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A lire dans Libé : "Opioïdes : contre les overdoses, un antidote sous diffusé"

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Actualité des addictions

A lire dans Libé : "Opioïdes : contre les overdoses, un antidote sous diffusé"

A lire dans Libé : « Opioïdes : contre les overdoses, un antidote sous diffusé »


 

L’accoutumance aux opiacés, qui provoque cinq morts par semaine en France, pourrait être endiguée grâce à la naloxone. Le ministère de la Santé a présenté vendredi un plan pour permettre un meilleur accès à cette molécule, difficile à trouver en pharmacie.

 
Commercialisée pour la première fois dans les années 70 aux Etats-Unis, la naloxone est une molécule précieuse qui sauve des vies. Elle peut stopper instantanément l’overdose d’opioïde chez une personne en dépression respiratoire. La substance se fixe sur les récepteurs morphiniques du cerveau et chasse l’opioïde qui a provoqué l’overdose. Ce risque concerne désormais aussi bien les consommateurs d’héroïne que les malades souffrant de douleurs et devenus dépendants à leurs opioïdes antalgiques. Antidouleurs très puissants à l’origine d’une crise sanitaire aux Etats-Unis, ces médicaments plongent progressivement le patient dans une forte dépendance qui nécessite d’accroître les prises pour calmer les souffrances et conserver les effets. Avec cinq morts chaque semaine par overdose dans l’Hexagone, la situation préoccupe les professionnels de santé. A l’occasion de la Journée internationale de sensibilisation sur les overdoses, vendredi, le ministère de la Santé a publié sa feuille de route 2019-2022 pour «prévenir et agir face aux surdoses d’opioïdes». En plus d’élargir le circuit de délivrance de la naloxone au-delà de Paris, via les réseaux des pharmaciens et des médecins de ville, il entend fournir des kits aux services de secours, pompiers et police. En France, la naloxone, disponible sous deux formes prêtes à l’emploi (spray nasal et injection), ne bénéficie pas pour l’instant d’une large diffusion.

Manque d’information

Titulaire d’une autorisation temporaire d’utilisation depuis janvier 2018, le Nalscue, la première forme intranasale saluée pour sa maniabilité, devrait voir sa commercialisation s’arrêter. Uniquement disponible dans les structures de soins spécialisées, il visait dans un premier temps les publics à risque. Mais les 9 000 sprays distribués gratuitement en 2017 ont mis plus d’un an à être diffusés aux centres de prévention et 20 000 exemplaires périmant en décembre 2020 sont toujours disponibles. Plus que le prix affiché (35 euros), c’est le manque d’information qui a pesé sur sa diffusion locale. «Dans certains pays, comme au Royaume-Uni, on s’est aperçu que les gens à qui on parlait du kit de naloxone apprenaient à reconnaître les signes d’une overdose et à mieux connaître les risques. La conséquence directe et positive est que les patients ont diminué leur nombre de shoots par jour», souligne Nathalie Richard, directrice générale adjointe des médicaments en neurologie à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Disponible en pharmacie sans forcément besoin d’ordonnance depuis juin, le Prenoxad, dernière forme de naloxone commercialisée, se présente, lui, sous la forme d’une seringue de naloxone injectable. Il coûte 23 euros, remboursés à 65 % s’il est délivré sur ordonnance. En trois mois, seuls 900 kits ont été vendus. En pratique, le Prenoxad n’est pas disponible partout. Les pharmaciens ne passent pas par leur grossiste habituel mais doivent s’adresser directement au laboratoire. La seringue du Prenoxad est par ailleurs perçue comme «intimidante».Pour Patrick Favrel, membre de l’association de prévention Safe, «bon nombre de personnes craignent de faire des piqûres», notamment les patients traités aux antidouleurs et leur entourage. «Il faut se mettre dans l’esprit de quelqu’un qui voit un proche faire une overdose. Il est dans un état de stress qui fait qu’il peut parfois ne pas avoir le recul nécessaire pour intervenir, explique Patrick Favrel. Si l’overdose a lieu dans un entourage de consommateurs d’héroïne, cela devrait fonctionner, mais chez un patient qui fait une surdose à son traitement opioïde, c’est plus problématique.»
En premier lieu, Nathalie Richard estime qu’il est «nécessaire d’informer les patients sur les risques autour des antalgiques opioïdes. Même si les bénéfices de ces médicaments dans le traitement de la douleur ne sont pas à mettre en cause». En France, les opioïdes sont impliqués dans 78 % des morts par overdose. Les chiffres de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies sont parlants : en l’espace de dix ans, le nombre d’intoxications a doublé dans l’Hexagone. Si bien qu’aujourd’hui, on compte plus d’overdoses par médicaments opioïdes que par l’usage de drogues illégales. Pour William Lowenstein, addictologue et président de SOS Addictions, «la France n’est pas face au tsunami de la crise américaine des opioïdes, mais la marée monte lentement et sûrement. Ces overdoses concernent monsieur Tout-le-Monde. D’où une nécessité de prévention mais surtout d’accessibilité et de diffusion de la naloxone».
Ambre, ancienne usagère d’héroïne, souhaiterait que les conditions d’accès à la naloxone soient «plus souples, car il faut l’utiliser comme un outil de prévention, de réduction des risques. Et pas comme un remède miracle. On pense que les médocs qui sortent d’une boîte sont forcément bons, alors que c’est faux. Le danger de l’addiction est présent. La naloxone est un bon outil, encore faut-il bien savoir s’en servir.»

Nouveaux profils

Pour Brigitte Reiller, médecin et directrice à Bordeaux d’un Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, ou Caarud, la naloxone est un outil efficace : «Il y a trois semaines, nous avons eu un cas d’overdose au centre. La personne s’est réveillée instantanément après qu’on lui a donné de la naloxone.»
Depuis vingt ans dans le milieu de la prévention, elle observe elle aussi de nouveaux profils chez ses patients. «Sans que ce soient des marées humaines, nous recevons de plus en plus des personnes différentes des usagers habituels. Des gens souvent insérés socialement et qui ont développé une dépendance après des prescriptions d’antalgiques opiacés tels que la codéine, le tramadol ou même du fentanyl.»Systématiquement, elle évoque l’antidote auprès des patients : «Sur le terrain, on ne comprend pas comment il peut y avoir autant de difficultés à se procurer un outil qui sauve une vie instantanément.»Sans indiquer de date, l’ANSM annonce que trois kits de spray nasal dotés d’une autorisation de mise sur le marché européen seront bientôt commercialisés en France.